dijous, 6 d’agost del 2009

Claudio Magris

Claudio Magris, entretien
Philosophie Magazine, juin 2009

Nous vivons toujours en nous projetant vers le futur. Nous attendons en permanence des réponses, le résultat d'une analyse médicale, celui des élections européennes, l'issue de la crise économique... On ne vit pas pour vivre, mais pour avoir vécu, c'est-à-dire pour être plus proche de la mort - pour mourir. Michelstaedter a diagnostiqué ce probleme que s'amplifie aujourd'hui, car l'accélération de l'histoire et la vitesse toujours croissante de notre organisation sociale nous arrachent le présent comme un tapis sous le pieds. Or le présent est tout ce que nous avons, c'est là que nous pouvons toucher, aimer, voir, goûter. Ce consentement à l'instant, fugace mais délicieux, est ce que Michestaedter appelle la "persuasion". Or nous sommes incapables de nous y circonscrire, et la "rhétorique", c'est-à-dire l'organisation de la vie par la culture et l'artifice, est le mur que nous construisons pour nous cacher l'abîe de néant vers lequel nous avançons. La rhétorique est une drogue dont nous avons du mal à nous passer.
.... Pour moi, il n'y a pas de pureté ni d'absolu à rechercher, nulle part, ni dans la nature ni dans la culture